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« Ethique et Responsabilité » - RFSS n°220
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« Ethique et Responsabilité » - RFSS n°220

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Le numéro 220 de la Revue Française de Service Social, mars 2006

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Editorial : Penser éthique, agir éthique, être responsable

par Brigitte Bouquet, Vice présidente du Conseil Supérieur de Travail Social, Assistante sociale de formation initiale, sociologue, 

Brigitte Bouquet est professeur titulaire de la chaire du Travail social au Conservatoire National des Arts et Métiers

Ce petit texte qui se situe à partir de la réflexion des auteurs de ce numéro de revue, n'a d'autre prétention que d'ajouter quelques notes complémentaires. Jamais la demande éthique n'a été aussi forte que dans ce monde moderne et « désenchanté » où règne le « polythéisme des valeurs », comme le souligne Alix Hericord. L'émergence d'un questionnement éthique est inséparable de l'évolution des sociétés contemporaines. Il faut sans doute se méfier d'une « mode» et interroger les risques d'une éthique aussi instrumentalisée où les normes éthiques prolifèrent et où« être éthique ou ne pas être» est devenue l'injonction contemporaine. Mais ce que l'on appelle « retour de l'éthique» signifie aussi plus que cela et s'explique par la prise de conscience des défis nouveaux posés à nos sociétés. C'est en période de doute que la question éthique se pose avec le plus d'acuité. Aussi n'est il pas étonnant que le travail social, traversé depuis toujours par un certain nombre de questionnements philosophiques et humanistes, ressente la nécessité de revisiter ses valeurs, de les réaffirmer et de réfléchir à son éthique.

Comme l'ont bien montré la plupart des auteurs, il n'y a pas d'éthique en général, il n'y a d'éthique que dans l'action. Et les valeurs proclamées du travail social ne sont en réalité, jamais complètement possédées et sont mises en pratique avec un écart avec l'idéal. « Il y a un principe d'incertitude dans la relation intention-action. » (E. Morin). Car c'est dans l'acte que l'intention risque l'échec. C'est là que l'on rejoint l'éthique qui s'éprouve dans l'acte. L'éthique est à la fois une philosophie de l'action et un questionnement critique permanent sur la pratique. Comme l'écrit Théo Klein, l'éthique « est une création permanente, un équilibre toujours près de se rompre, un tremblement qui nous invite à tout instant à l'inquiétude du questionnement et à la recherche de la bonne réponse» (petit traité d'éthique et de belle humeur, Liana Levi, 2004).

Cette« raison pratique» ou « sagesse pratique» disent les philosophes; répond à la question : « comment vivre?», est un « art de vivre». Plusieurs auteurs de ce numéro font référence à la définition de P. Ricoeur qui en effet semble être une de celle qui s'applique le mieux à l'action sociale. « L'éthique est la visée de la vie bonne, avec et pour autrui, dans les institutions justes» écrit-il. Il en appelle à l'estime de soi qui dynamise l'aspiration « à la vie bonne »; à l'empathie, la sollicitude, qui stimulent les rapports interpersonnels et sociaux; à la justice et la solidarité qui devraient régir les institutions nécessaires à la vie sociale. On mesure toute la pertinence de cette définition mais aussi toute son exigence et toute la difficulté à y répondre.

De I'« idéal» professionnel à une pratique éthique

Dans le champ social et médico-social, la substance du travail est l'Autre- et le travailleur social en relation avec l'Autre-, dans une relation socialisée. Le travail social a bien un noyau dur qui est un travail relationnel et symbolique qui se fonde sur la reconnaissance des sujets en action, dans un processus qu'ils élaborent réciproquement. Or ce n'est pas simple. Comme le dit bien Michel Manciaux, l'éthique s'éprouve au quotidien. D'une part, cela nécessite une relation et une intervention de qualité. Pour ce faire, il est nécessaire de bien connaître le rapport social qui les structure. On sait qu'il faut sans cesse lutter contre le désir de maîtrise et le fantasme de toute-puissance qui est toujours tapi inconsciemment. On sait aussi qu'on peut insidieusement mettre en œuvre un contrôle social et un assujettissement accru. C'est bien d'ailleurs pourquoi l'éthique insiste sur un travail sur soi. On sait enfin, qu'il est nécessaire d'évaluer la portée de son action et de la modifier le cas échéant. C'est pourquoi l'évaluation est importante. Bref, comme le dit le pré-rapport CSTS « L'usager au centre du travail social, Représentation et participation des usagers»:« Délicate position que celle de ce professionnel, dès lors que l'on admet que toute relation d'aide induit une dépendance». Dans la dimension de sujet face à un autre sujet où se construit l'éthique de l'intervention sociale, Jean Luc et Sabine Noël montrent bien dans leur article que ce n'est pas facile.

Mais outre la nécessaire vigilance éthique dans la pratique quotidienne, l'éthique ne va pas de soi également en raison de multiples contraintes qui pèsent sur les pratiques. Comment tendre vers des institutions justes quand on côtoie l'hégémonie économique qui met hors jeu des pans entiers de population, quand des dispositifs s'empilent, sont cloisonnés provoquant de l'incohérence, quand tout tend vers la normalisation, quand la rationalisation des coûts budgétaires provoque de l'exclusion, quand le management a tendance à formater les pratiques? Plus généralement, quand gagnent l'individualisation de la société, le« flou » des repères collectifs, l'affaiblissement de l'ordre social et de la société salariale ... Jacques Ladsous dénonce dans ce numéro, d'une part le libéralisme qui exalte la réussite de soi, la performance; d'autre part, le judiciaire, le droit qui a tendance à devenir le seul mode de régulation sociale, car moins les valeurs de solidarité sont partagées, plus les lois occupent le haut du pavé.

L'observation des rapports de ces diverses contraintes pesant sur le travail social permet d'identifier un ensemble de tensions qui complexifient l'exercice professionnel. Ce sont à titre d'exemples :

- tension entre la demande de la personne qui est globale et la réponse souvent morcelée

- tension entre le respect du secret professionnel et une demande de transparence

- tension entre les temporalités différentes des usagers, des institutions, des dispositifs

- tension entre les lois qui visent à favoriser les accès au droit et les dispositifs qui les rigidifient

- tension entre logiques professionnelles et logiques de missions

- tension entre efficience sociétale et efficacité gestionnaire...

Le travail social est aussi quotidiennement confronté aux différentes logiques que l'on rencontre dans l'intervention sociale elle-même : la logique thérapeutique et clinique, la logique éducative et sociale, la logique administrative et gestionnaire, la logique judiciaire.

Ces ensembles de contraintes et de tensions forment un univers conflictuel dans lequel évolue le travailleur social. Les conflits éthiques s'expliquent d'une part parce que le champ du travail social est semé de situations problématiques, limites, et d'autre part par la position d'interface du travailleur social. « L'éthique n'échappe pas au problème de la contradiction. Il n'y a pas d'impératif catégorique unique en toutes circonstances : des impératifs antagonistes adviennent souvent de façon simultanée et déterminent des conflits de devoirs» (E. Morin)

Quel étayage pour la pratique éthique ?

Pour autant, malgré ces tensions et ces difficultés, il ne faut pas baisser les bras. Des soutiens et appuis existent, qui sont à utiliser.

Les droits de l'homme sont évoqués par Jacqueline Moulin comme étant inséparables de la théorie, des valeurs, de l'éthique et de la pratique du travail social; la défense de ces droits en fait partie intégrante. En effet, l'évolution récente des ces droits de l'Homme, des lois sociales comme La loi rénovant l'action sociale et médico-sociale, cherchent à transformer l'usager en acteur social. Le sujet de droit est simultanément un sujet de parole et d'écoute (la loi sans la parole est une tyrannie, la parole sans la loi est l'anarchie), un sujet autonome et dépendant, un sujet inaliénable et susceptible d'être passagèrement affaibli. Il est construit sur cette dualité, qui assure néanmoins son indivisibilité: être sujet de droit.

Les codes de déontologie défendus par Jacqueline Moulin et M.G. Mounier, qu'ils soient nationaux ou internationaux, montrent qu'ils ne sont pas seulement des repères pour la pratique mais aussi un affichage urbi et orbi des fondements et du sens du travail social, partagés par les travailleurs sociaux de chaque pays. Un ensemble de valeurs communes est identifiable. Néanmoins, attention au danger des proliférations des normes éthiques, rappelle Alix Héricord, car c'est dans la recherche souvent difficile, tatonnante, voire angoissante que se construit le sujet éthique. Ainsi, le recours à la déontologie n'épargne pas le questionnement de chacun sur sa pratique professionnelle, ses actions. Car la déontologie et encore moins le secret professionnel sont loin d'épuiser toute la question éthique.

La formation à l'éthique, particulièrement du ressort des centres de formation, est indispensable, car« Tous les égarements éthiques viennent certainement d'une insuffisance du sens critique et d'une difficulté à acquérir une connaissance pertinente» (E. Morin). Aussi, Le Conseil supérieur de travail social, dans son rapport Éthique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, a fait les recommandations suivantes :

« -apporter, lors des enseignements dispensés, les contenus disciplinaires, juridiques et philosophiques, et les références théoriques et historiques suffisantes pour permettre à chaque personne en formation d'acquérir les capacités à différencier les registres de l'éthique, de la déontologie, de l'idéologie et du droit et à repérer les enjeux professionnels et politiques qui y sont liés;

-instituer ou renforcer les temps d'analyse de pratiques dans le cadre des écoles et à veiller à ce que la mise en place de l'alternance pédagogique école/terrain intègre effectivement les dimensions éthique et déontologique;

-développer une offre de formation continue dans ces domaines en direction des professionnels de l'action sociale pour accompagner et optimiser la prise en compte des dimensions éthique et déontologique dans les institutions».

Les espaces de discussion sont à créer ou (recréer) et à organiser permettant d'allier éthique de conviction et éthique de responsabilité. M. Turmaine précise bien ce que l'on entend par là, en s'appuyant sur Weber. Pour prolonger son propos, on pourrait dire que l'éthique de conviction professionnelle promeut une certaine conception de l'Homme et du monde à défendre, ce que Ricoeur appelle des« convictions bien pesées». Quant à L'éthique de responsabilité professionnelle, elle est relative d'une part au caractère plus ou moins juste de l'intervention auprès des personnes et d'autre part au sens que prend celle-ci du point de vue d'une orientation dans la vie de la cité. Elle se différencie de la responsabilité juridique qui a un caractère répressif - on cherche« qui a été la cause de » - alors que la responsabilité morale et éthique signifie« Je veux répondre de mes actes» et a une acception positive.

Le concept de responsabilité est en effet l'un des concepts fondamentaux à toute réflexion sur une éthique de l'action. La responsabilité du travailleur social pose la question de la place du subjectif dans une pratique professionnelle. Rappelons trois grands principes définis J.-B. Paturet dans les nombreux travaux qu'il a consacrés à l'éthique des pratiques sociales :

- le pari sur l'avenir, sur les potentialités de l'autre, qui implique une praxis et non une recherche de production et de maîtrise;

- la singularité, reconnaissance du caractère propre de chacun, qui fait que le projet ne pourra jamais être un projet sur l'autre mais avec l'autre dans un processus d'accompagnement;

- le don qui amène à accepter sa propre fin dans le renoncement de son pouvoir et de son autorité sur l'autre...

Mais, dans un contexte d'évolution permanente et de complexité, et face à l'institution employeur, la responsabilité est aussi sociale. On parle alors d'engagement, de capacité individuelle et collective à poser la question du lien social et de la citoyenneté pour tous. Le travail social n'implique-t-il pas d'être facteur de démocratie? C'est pourquoi la responsabilité du travail social nécessite aussi le devoir de veille sociale et d'interpellation des responsables et politiques. La question de l'éthique professionnelle, souvent posée comme question du rapport à l'Autre dans la pratique, doit aussi être établie comme rapport aux autres dans l'exercice démocratique.

Comme le travailleur social vit ainsi une dialectique entre responsabilité/ liberté (autonomie), responsabilité/ devoir (cadre institutionnel et légal) et responsabilité professionnelle citoyenne, l'étique de discussion, dans un dialogue ouvert, permet que l'éthique professionnelle se construise pas à pas, par l'argumentation, en partant de situations concrètes. On y recherche non pas la tolérance, corrélât de la liberté libérale, mais la reconnaissance, le défi n'étant pas de reconnaître la supériorité éventuelle des arguments adverses, mais la dignité éventuelle des intérêts opposés. La discussion permet de savoir et de faire savoir quel degré d'attachement un tel porte à telle préférence, tel autre à telle autre; dans quelle proportion pour chaque partie, etc. C'est là le propre d'une discussion pratique (J M. Ferry).

Les espaces de réflexion des pratiques, les nombreux comité éthiques qui se mettent en place dans le secteur social ont cette visée. C'est également le cas de la commission éthique permanente du Conseil supérieur de travail social qui va démarrer et qui« devra garantir un lieu où se fondent les repères communs et s'interrogent les conditions de leur production» (rapport CSTS) tout en laissant à chacun sa propre responsabilité et liberté.

Penser éthique, agir éthique, être responsable... est cet ensemble de valeurs et de choix qui justifie les actions du travailleur social dans une certaine« vision du monde », donnant du sens et des repères aux actions. Quel défi !

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